Page:Gautier - Les Deux Etoiles.djvu/117

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rent remplacés par toutes les visions, par toutes les hallucinations du désespoir.

La main étendue de Benedict avait rencontré une grille de fer.

Le chemin était barré de ce côté-là, et de l’autre le retour était impossible. Les forces épuisées d’Arundell n’auraient pu suffire à soulever cette lourde trappe.

— Que vous ai-je fait, mon Dieu, pour être damné vivant, s’écria douloureusement Benedict, et quel crime inconnu dois-je expier ici ? Ô Amabel, quelque tristes que soient les suppositions où vous vous livrez sans doute maintenant sur mon sort, elles ne peuvent approcher de la réalité.

Et par un dernier effort de cette espérance vivace qui ne peut abandonner l’homme, et que le condamné garde encore, le col engagé sous le couperet, Benedict secoua chacun des barreaux les uns après les autres, essayant de les ébranler ou de les soulever ; mais ils étaient scellés d’une manière indéracinable, et la rouille sondait leurs sertissures.

Vingt fois, ayant rencontré la serrure dans ses tâtonnements, le pauvre Benedict se mit les doigts en sang pour démonter les vis ou en faire jouer les ressorts.

Pendant qu’il se livrait à ce travail inutile, car la serrure massive et compliquée eût fait honneur à la porte d’un cachot de Newgate, une vague l’enveloppa de sa caresse glaciale.

Benedict transi, claquant des dents, ses vêtements de noce imprégnés d’eau, remonta quelques marches pour se mettre à l’abri de l’atteinte