Page:Gautier - Les Deux Etoiles.djvu/141

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— Singulière façon de le montrer que de détruire le bonheur de ma vie et de me plonger dans le plus affreux désespoir.

— Le chagrin passera, sir Arthur : les peines des amoureux ne sont pas de longue durée, le vent les emporte comme des plumes de mouette sur la mer. D’ailleurs, vous ne vous apparteniez pas, continua-t-il en tirant de sa poche un papier qu’il déploya devant Benedict.

Ce papier déjà jauni semblait écrit depuis longtemps, il était cassé à ses plis. L’écriture qu’il contenait avait dû changer de couleur ; les caractères en étaient roussâtres, on eût dit que pour les tracer le sang avait servi d’encre.

À l’aspect de ce papier d’apparence cabalistique, et qui ne ressemblait pas mal à la cédule d’un pacte avec le diable, sir Benedict Arundell parut embarrassé et garda le silence.

— Est-ce bien là votre signature ? dit Sidney en tenant le papier à la hauteur des yeux de Benedict.

— Oui, c’est bien mon nom et mon paraphe, répondit sir Benedict Arundell d’un ton résigné.

— Avez-vous librement posé là votre nom de gentilhomme ?

— Je ne puis dire qu’on m’ait forcé, répondit Arundell ; oui, j’ai mis là mon nom plein d’enthousiasme et de foi.

— Et c’est un serment formidable que celui renfermé dans cette lettre. Vous avez juré par tout ce qui peut lier sur cette terre où nous sommes, par le Dieu qui créa les mondes, par le démon qui les veut détruire, par le ciel et l’enfer, par l’hon-