Page:Gautier - Les Deux Etoiles.djvu/153

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verture ne provoquait une pareille confidence : ses rougeurs, ses pâleurs, ses silences étaient pris pour ces inquiétudes virginales qui tourmentent les jeunes filles aux approches de leur mariage ; l’amour même légitime a ses troubles, et les larmes sont à l’ordre du jour dans les yeux des jeunes fiancées.

Chaque jour elle se disait : il faut que je parle, et le jour se passait sans qu’elle eût parlé ; les préparatifs s’avançaient sans qu’elle osât s’y opposer, et la révélation devenait de plus en plus impossible. Edith aimait Volmerange, et bien que son caractère fût d’une loyauté parfaite, et que l’ombre d’une fausseté lui répugnât, elle n’avait pas la force de porter elle-même ce coup de hache à sa félicité. Elle s’était sentie lâche devant ce malheur. Et comme tous les gens perdus qui comptent sur un incident impossible pour les tirer d’une situation désespérée, elle avait laissé les choses aller ; maintenant le moment terrible était arrivé, et comme une colombe tapie à terre qui entend bruire autour d’elle le vol circulaire de l’autour, elle attendait, palpitante d’inquiétude et de terreur. Il lui semblait alors qu’elle aurait dû tout dire, repousser Volmerange, ne pas accepter ce bonheur dont elle n’était pas digne. Mais il était trop tard.

Il faut dire aussi, pour la justification d’Edith, qu’elle était coupable, mais non dégradée ; elle avait une de ces natures que le mal peut atteindre et ne saurait pénétrer, comme ces marbres que la boue salit, mais ne tache pas, et qu’un flot du ciel fait paraître plus purs et plus blancs que jamais. Sa chute n’avait que de nobles motifs. Xavier