Page:Gautier - Les Deux Etoiles.djvu/157

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gnards, pistolets, casse-têtes et autres instruments de destruction.

— Tonnerre et sang ! — grinçait-il en tournant comme une bête fauve, serai-je obligé de lui briser la cervelle à l’angle d’un meuble, de l’étrangler de mes mains, de lui ouvrir les veines avec mes ongles, de l’étouffer sous le matelas de mon lit de noces ? Ha ! ha ! ce serait charmant, continua-t-il avec un rire de démence. Jolie scène ! très dramatique ! très shakspearienne, en vérité !

Et il s’avança vers Edith, qui toujours agenouillée, les bras pendants, les mains ouvertes, la tête penchée sur la poitrine, les cheveux ruisselants, restait dans la position de la Madeleine de Canova. En voyant se rapprocher ce furieux, mue par un suprême instinct de conservation, la pauvre enfant se releva comme si elle eût été poussée par un ressort, courut à la porte de glace qui donnait sur le jardin, l’ouvrit avec cette adresse machinale des somnambules ou des gens dans une position désespérée et s’élança, portée par les ailes de la peur, dans les noires allées du jardin, suivie de Volmerange.

Elle ne sentait pas sous ses pieds délicats et nus l’empreinte du gravier et des coquillages ; les branches, chargées de pluie, fouettaient son visage et ses épaules nues, et semblaient vouloir la retenir par les plis de son peignoir : le souffle ardent de Volmerange haletait presque sur sa nuque, et plusieurs fois les mains du furieux tendues l’avaient presque atteinte.

Elle arriva ainsi au parapet de la terrasse, qu’elle franchit, laissant aux griffes de fer de l’ar-