Page:Gautier - Les Deux Etoiles.djvu/167

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syllabe prononcée, comme à un rameau sauveur, leur raison qui se noie.

Des larmes coulaient le long de ses joues une à une silencieusement et sans interruption ; il ne pensait même pas à les essuyer, et répétait d’un air fou et comme un vague refrain de ballade : Elle est coupable, coupable, coupable.

Le jour s’était levé tout à fait, et des hauteurs de Primerose-Hill la vue s’étendait sur la ville de Londres, qui commençait à fumer comme une chaudière en ébullition ; c’était un spectacle plein de grandeur et de magnificence. De larges traînées de brouillard bleuâtre indiquaient le cours de la Tamise, et çà et là s’élançaient de la brume les flèches pointues des églises indiquées par un rayon de lumière oblique.

Les deux tours de Westminster ébauchaient leurs masses noires presqu’en ligne directe ; le duc d’York posait, imperceptible poupée, sur sa mince colonne ; puis à gauche, le monument du feu élevait vers le ciel ses flammes de bronze doré, la Tour groupait sa botte de donjons, Saint-Paul arrondissait sa coupole flanquée de deux campaniles ; l’ombre et le clair jouaient sur ces vagues de maisons interrompues de loin en loin par l’îlot verdâtre d’un parc ou d’un square avec une grandeur et une majesté dignes de l’Océan ; mais Volmerange, quoique ses yeux immobiles parussent contempler ce panorama merveilleux avec la plus profonde attention, ne voyait absolument rien : l’ombre pâle d’Edith lui interceptait tout ce spectacle.

Sa fureur était tombée, et il se trouvait dans un tel état de prostration qu’un enfant eût eu rai-