Page:Gautier - Les Deux Etoiles.djvu/168

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son de lui en ce moment-là ; toute sa vitalité avait été épuisée dans cette projection immense ; il s’était vidé dans son crime ; il essaya de se lever, mais ses genoux se dérobaient sous lui, un nuage s’abaissa sur ses yeux ; ses tempes se couvrirent d’une sueur froide, il retomba au pied de son arbre.

Au même instant passait sur la route un homme d’une apparence honnête et d’une mise simple, mais qui n’excluait pas la confortabilité, une de ces figures que l’on verrait mille fois sans les reconnaître, tant elles savent porter habilement le masque et le domino de la foule.

L’homme s’approcha de Volmerange, qui, excédé d’émotion et de fatigues, glacé par l’air de la nuit, était près de s’évanouir.

— Qu’avez-vous, monsieur ? lui dit le passant d’un air d’intérêt ; vous êtes bien pâle et paraissez souffrir.

— Oh ! rien, une faiblesse, un étourdissement passager, répondit le comte d’une voix presque éteinte.

— Je bénis l’heureux hasard qui m’a fait passer par ici ; je suis médecin, et je rendais visite à une de mes pratiques de Primerose-Hill ; j’ai ici de quoi vous réconforter, dit l’homme en tirant de sa poche un petit portefeuille assez semblable à la trousse des chirurgiens, et dont il sortit un flacon qui paraissait contenir des sels.

— En effet, je ne me sens pas bien, murmura Volmerange en laissant tomber sa tête.

L’officieux passant déboucha le flacon, d’où s’exhala une odeur pénétrante, et le mit sous le nez