Page:Gautier - Les Deux Etoiles.djvu/173

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cerclaient ses yeux creux et brillants comme des yeux d’animal, et dont l’âge n’avait point éteint une seule étincelle ; son nez courbé en bec d’aigle était presque ossifié, et ses cartilages endurcis luisaient comme un os ; ses joues caves, sillonnées de rides profondes, adhéraient aux mâchoires, et ses lèvres bridaient sur des dents que l’usage du bétel avait rendues jaunes comme de l’or ; les jointures des mains, presque pareilles à celles des orangs-outangs, se plissaient transversalement comme le coude-pied des bottes à la hussarde.

Une petite perruque rousse, de celles dites chiendent, recouvrait cette tête hâlée, brûlée et comme calcinée par le soleil, couvant les passions et le feu dévorant d’une idée fixe ; sous le bord de cette perruque scintillaient deux anneaux d’or mordant le lobe d’une oreille semblable à un bout de vieux cuir.

À voir ce spectre jaune plissé, feuilleté comme un livre, si sec, que ses jointures craquaient en marchant, comme celles des genoux de don Pèdre, on l’aurait cru, non pas centenaire, mais millénaire. Il accusait un nombre d’années fabuleux, et pourtant ses prunelles, seuls points vivants dans sa face morte, étincelaient de jeunesse. Toute la vigueur de ce corps anéanti, et conservé sur terre par une volonté puissante, s’y était réfugiée.

Si Volmerange eût pu secouer l’invincible torpeur qui l’accablait et le retenait dans un sommeil hébété, il eût frémi en voyant cet être fantastique glisser vers lui avec une allure de fantôme, et il se