Page:Gautier - Les Deux Etoiles.djvu/174

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serait cru en proie aux épouvantements du cauchemar : malgré son large habit noir, sa culotte et ses bas de soie que n’eût pas désavoués un ministre prêt à monter en chaire, costume tout à fait contraire à l’emploi d’apparition, le vieillard semblait arriver directement de l’autre monde.

Aucun sentiment de malveillance ne paraissait cependant l’animer, et il se dirigea du côté du divan d’un air aussi visiblement satisfait que le permettaient son teint de Pharaon empaillé et les milliers de rides que dessinait son sourire dans sa figure antédiluvienne.

Il tenait encore à la main le papier sur lequel l’homme, en remettant Volmerange au domestique, avait griffonné quelques lignes en signes mystérieux, et le contenu sans doute était de nature à lui être agréable, car, en le relisant une dernière fois avant de le jeter au feu, il dit à demi-voix : Vraiment, ce garçon est très-intelligent, il faudra que j’avise à récompenser son zèle.

Cela dit, il s’assit près de Volmerange, attendant que l’effet du narcotique se dissipât ; mais, voyant que le jeune comte ne s’éveillait pas encore, il appela ses laquais basanés et le fit déposer sur un lit de repos dans une salle voisine.

Cette salle, ornée et meublée avec une extrême magnificence, rappelait les fabuleuses splendeurs des contes orientaux. Aucun palais d’Hyderhabad ou de Benarès n’en contenait assurément une plus riche et plus splendide.

De légères colonnes de marbre blanc, entourées d’un cep de vigne, dont les feuilles étaient figurées par des semences d’émeraudes et les grappes par