Page:Gautier - Les Deux Etoiles.djvu/19

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verains, sans aucune dissonance de monnaie d’argent ou de billon.

L’hôtelier, qui jusque-là ne s’était pas découvert, ôta son bonnet qu’il chiffonna pour se donner une contenance, car il était assez embarrassé de la liberté avec laquelle il avait dit son fait à un homme dont la bourse était aussi bien garnie. Mais qui eût pu deviner ce détail très-peu indiqué par un vêtement de coupe vulgaire et d’étoffe commune ?

— Contre combien de ces ronds jaunes échangeriez-vous un de vos carrosses ? dit l’inconnu, que nous appellerons Jack ou John, pour la commodité du récit, car, étant anglais, il devait porter l’un ou l’autre de ces noms.

Et il étala, en demi-cercle, sur la table, un nombre assez considérable de pièces.

— Je pourrais vous vendre à bon compte la chaise à deux places, mais elle a une roue cassée, et il faudrait du temps pour la raccommoder ; ou bien encore le landau, si le ressort de derrière n’était pas brisé, dit l’hôtelier en se frottant l’aile du nez avec le doigt, tandis que de l’autre main il se tenait le coude ; attitude que, de tous les temps, les sculpteurs et les peintres ont donnée à la perplexité méditative.

— Pourquoi, répliqua Jack, au lieu de ces affreux tombereaux démantibulés, ne pas me proposer tout de suite votre berline vert-olive doublée de drap de Lincoln, et qui a de si beaux stores de soie ?

— Ma berline vert-olive, qui m’a coûté si cher ! s’écria Geordie comme effrayé de l’énormité de la proposition, y pensez-vous ?