Page:Gautier - Les Deux Etoiles.djvu/255

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causaient cette immense ululation du vent et des flots ? Il tremblait de se répondre, et, en entrant dans le canot, il était pâle comme un marbre, ses tempes ruisselaient de sueur froide, ses dents claquaient, et ce n’était certes pas le danger matériel qui le préoccupait.

Le canot hermétiquement fermé s’enfonçait dans les abîmes des vagues, remontait sur leur crête, et s’avançait tantôt plongeant, tantôt nageant vers le rocher où avait eu lieu la dernière entrevue de Benedict et de Sidney. Une embarcation ouverte eût été infailliblement submergée.

La difficulté était de ne pas se briser contre la muraille de granit et d’attérir juste sur la petite plage sablonneuse : Sidney et ses deux matelots faisaient les efforts les plus prodigieux. L’air commençait à leur manquer, malgré la précaution du tuyau ; leurs poumons se gonflaient dans leurs poitrines, cherchant le fluide vital. Leur lampe pâlissait et grésillait péniblement. Jack et Saunders agitaient d’un poignet lassé les manivelles des palettes, et Sidney pompait activement pour ramener la barque à la surface.

Les vagues déferlaient contre la ceinture de roches de la côte avec un fracas effrayant et pesaient lourdement contre les parois du canot qu’elles roulaient dans leurs volutes.

— Allons, se dit Sidney en lui-même, nous sommes perdus ; et il regarda ses deux compagnons aux dernières scintillations de la lampe.

Il lut la même pensée sur leur mâle visage.

— Mylord, dit Jack, il est tout de même désagréable d’être noyés comme des rats dans une