Page:Gautier - Les Deux Etoiles.djvu/268

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de son ornière et ne peut plus y rentrer : je n’étais bon qu’à une chose. Cette chose est manquée, c’est fini : que l’on m’enterre aujourd’hui ou après-demain ou plus tard, peu importe, je suis mort. Idée, sentiment, volonté, tout a fui, tout s’est évaporé. Maintenant, bonne Edith, tâchez de vous trouver un motif de vivre.

— Peut-être est-il déjà trouvé ?

Ici sir Arthur Sidney, regarda fixement Edith, qui ne put s’empêcher de rougir un peu.

— Aimez quelqu’un ou quelque chose, un homme, un enfant, un chien, une espèce de fleurs, mais jamais une idée, c’est trop dangereux.

Ces paroles prononcées, Sidney serra les mains de son ami et reprit le chemin de la roche noire, où Saunders et Jack, qui avaient usé leur provision de tabac, commençaient à s’ennuyer beaucoup.

Arundell et miss Edith, restés seuls dans l’île, ne pressèrent pas leur départ autant qu’on aurait pu le croire d’abord, bien que Sainte-Hélène soit un séjour assez maussade. Edith, jetée à la mer par son mari, n’avait pas grande hâte de retourner en Europe ; Benedict, quoiqu’il se prétendit et se crût toujours extrêmement amoureux d’Amabel, ne s’ennuyait nullement dans ce cottage, qu’un marchand de la Cité eût trouvé inconfortable, mais qu’éclairait la présence d’Edith. La jeune femme s’étonnait de son côté de penser si peu à Volmerange, et tous deux faisaient des efforts incroyables pour retenir dans leurs cœurs ces amours qui s’échappaient.

Déjà Benedict ne retrouvait plus dans sa mé-