Page:Gautier - Les Deux Etoiles.djvu/274

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phants ne se faisait plus entendre, et la nuit avait repris sa couleur bleuâtre. Volmerange courait toujours à fond de train le long du Godaveri. Son cheval, avec un instinct merveilleux, évitait les fondrières, sautait par-dessus les troncs d’arbres renversés, devinait les terrains peu solides et cela sans ralentir aucunement sa rapidité.

Après avoir mis cinq ou six lieues entre le champ de bataille et lui, Volmerange diminua le train de sa monture, et guidé par une lumière qui brillait au bord du fleuve, il arriva à la cabane d’un pêcheur occupé à raccommoder ses filets, et qui se prosterna devant lui après l’avoir aidé à descendre de cheval.

Un banc recouvert de saptaparna s’adossait à la hutte : le comte s’y assit, et s’adressant au pêcheur en idiome indostani, il lui demanda s’il ne pourrait lui donner d’autres vêtements et lui procurer une barque pour descendre le fleuve.

— Je le puis, répondit le pêcheur, qui avait reconnu sa qualité à ses insignes ; mais votre seigneurie ne voudra peut-être pas revêtir l’humble habit d’un pauvre Indien de la dernière caste, d’un misérable soudra qui n’est pas digne de balayer avec son front la poussière de votre chemin.

— Plus l’habit sera misérable, plus il me convient, dit Volmerange en rentrant dans la cabane.

Aidé par le pêcheur, il se débarrassa de son costume guerrier et revêtit le modeste sayon, sous lequel il eût été difficile de reconnaître le brillant chef de l’insurrection. Le pêcheur, par surcroît