Page:Gautier - Les Deux Etoiles.djvu/293

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dans l’Inde, d’où il serait revenu en Europe en suivant le chemin d’Alexandre.

Ces grands esprits, ces volontés inflexibles qui remaniaient la carte de l’univers et voulaient faire subir leurs ordres au hasard, n’avaient cependant pas réussi dans leurs combinaisons. Arrivés au bout de toutes les voies, ils avaient été renversés par ce petit souffle qui n’est peut-être autre chose que l’esprit de Dieu. Tous leurs laborieux entassements s’étaient écroulés on ne sait pourquoi. Malgré tous leurs efforts, les fatalités inexplicables continuaient leur marche aveugle. Le Destin maintenait ses décisions.

Ce qui leur paraissait le bon droit essuyait des défaites, ce qui leur semblait injuste triomphait : le génie se tordait toujours sur la croix et la médiocrité florissait sous sa couronne d’or. Un obstacle imprévu, une trahison, une mort inopportune ou quelque autre obstacle déjouaient leurs mesures au moment où elles allaient réussir. Ils essayaient de remonter le cours des choses et se sentaient, malgré leurs prodigieux efforts, emportés par le courant invincible.

La plupart s’acharnaient avec cette fureur du joueur malheureux, avec ce délire de l’orgueil aux prises avec l’impossible. Insensés, ils jetaient une poignée de poussière contre le ciel, et, comme Xerxès, eussent volontiers fait donner le fouet à la mer. D’autres, plus forts, en étaient arrivés à soupçonner ce que, faute d’autre mot, nous appellerons « les mathématiques du hasard : » ils pressentaient que les événements étaient déterminés par une gravitation dont la loi restait à trou-