Page:Gautier - Les Deux Etoiles.djvu/85

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firent tressaillir son corps : mais lorsqu’elle se releva sa figure avait repris son expression de calme.

L’on annonça M. de Volmerange.

C’était un jeune homme de vingt-cinq à vingt-six ans, dont la physionomie charmante saisissait d’abord par un charme étrange. Il était né à Chandernagor d’un père français et d’une mère indienne, et mélangeait en lui les qualités des deux races. Ses yeux du bleu le plus pur, étaient entourés de cils très longs et très noirs, et surmontés de sourcils d’ébène nettement dessinés sur un front d’une pâleur mate. Ce contraste donnait à sa tête une grâce singulière. Le regard bleu nageant entre deux sombres franges avait une teinte triste et douce que la fermeté des tons voisins empêchait de devenir féminine. Lorsqu’une émotion vive agitait M. de Volmerange, ses prunelles ravivées par les teintes chaudes des paupières semblaient s’illuminer et passaient du saphir à la turquoise. Ce désaccord de ton, tout agréable qu’il fut et qu’un peintre coloriste eût étudié avec amour, était cause que cette belle figure avait quelque chose de fatal, de mystérieux, de surnaturel pour ainsi dire. Certains anges rêveurs et sinistres d’Albert Durer ont ce regard immense comme le ciel, profond comme la mer, où toutes les mélancolies semblent s’être fondues dans une goutte d’azur. Bien que la paix de l’âme, la franchise et la bonté respirassent sur cette figure, aucun artiste ayant à peindre le bonheur ne l’aurait prise pour modèle.

M. de Volmerange était grand, et, quoique svel-