Page:Gautier - Les Deux Etoiles.djvu/92

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choisi l’église neuve d’Hanover-Square, imitée du Parthénon et peinte en blanc, où tout le monde élégant se marie, vous n’auriez pas éprouvé cet effet prophétique, et votre avenir eût cependant été le même.

— Ah ! ma tante, que vous avez une raison cruelle. Je le sens, une main violente vient de raturer, sur le livre du Destin, la page où était écrite sa vie future et la mienne.

— Mais, au lieu d’aller chercher des explications surnaturelles, dussé-je affliger votre cœur, on pourrait trouver des motifs plus plausibles, un autre amour…

— Y pensez-vous, ma tante ! Oh ! dans ce cas, je préfèrerais qu’il fût mort ! Sir Benedict Arundell est incapable de mensonge et de trahison, sa bouche dit ce que son cœur pense, et son cœur est d’accord avec ses yeux. D’ailleurs, est-ce possible de tromper ? Et pourquoi l’eût-il fait ? N’a-t-il pas un grand nom ? N’est-il pas aussi riche que moi, aussi jeune ?…

— Aussi beau, dites-le ; à vous deux vous formiez un couple charmant, ajouta en soupirant lady Eleanor Braybrooke, qui ne pouvait s’empêcher de reconnaître la justesse des raisonnements d’Amabel, et dont la colère commençait à faire place à une inquiétude véritable. Elle comprit que ce qu’elle avait pris pour une impropriété pourrait bien être un malheur, et, du violet, son teint retomba à la pourpre, puis au cramoisi, et enfin au rouge, ce qui était pour elle une pâleur relative.

Au bout de quelques minutes, la voiture s’arrêta et miss Amabel Vyvyan remonta seule, morne