Page:Gautier - Les jeunes France, romans goguenards.djvu/138

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tant avoir une passion née à Château-Thierry : cela n’a aucune tournure, et ne convient nullement à un artiste.

— Madame de M*** est belle, répliqua dogmatiquement Albert, et, au fond, n’y a-t-il pas plus de mérite à avoir l’air italien, étant née en France, qu’en étant tout naïvement Italienne, comme tout le monde l’est en Italie ?

— Ceci est excessivement profond, et vaut que l’on y réfléchisse, dit Rodolphe, en tirant son bonnet sur ses yeux.

Mariette apporta le déjeuner. Albert s’attabla auprès du lit, et toutes les têtes de chats, comme des girouettes dans le même rhumb de vent, se tournèrent simultanément du même côté. Albert mangea comme une meute de dogues, Rodolphe un peu moins, car il était inquiet du sort de sa pièce de vers, et il distribua presque toute sa viande à ses parasites fourrés.

Après déjeuner, les deux amis, laissant la passion de côté, agitèrent entre eux un plan de gilet sans boutons et imitant le pourpoint avec autant d’exactitude que la stupidité native des bourgeois de la bonne ville le pouvait permettre, sans trop s’exposer aux huées et aux rires à pleine gueule des polissons et des gobe-mouches.

Rodolphe, entièrement absorbé par cette importante occupation, ne songeait à madame de M*** non plus que lorsqu’il n’était encore que fœtus au respectable ventre de sa mère.