Page:Gautier - Les jeunes France, romans goguenards.djvu/162

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Rodolphe comprit à ravir, et ne fit pas le plus léger contre-sens dans sa version.

— Il vient un vent par cette porte à vous glacer les jambes ! si vous permettez, je l’irai fermer.

Madame de M*** inclina doucement la tête, et Rodolphe, repoussant délicatement la main de la princesse sur son genou, se leva et ferma la porte.

— Elle joint fort mal, et le vent y passe comme par un crible : si je poussais ce petit verrou, cela la maintiendrait. Et Rodolphe poussa le verrou.

Madame de M*** prit un air détaché et calme qui lui allait on ne peut mieux ; Rodolphe vint se rasseoir à sa place sur la causeuse, et il reprit la main de madame de M***, non avec sa main droite, comme auparavant, mais avec sa main gauche, ce qui est extrêmement remarquable et ne pouvait provenir que d’une haute conception. Vous verrez tout à l’heure, adorable lectrice, la profonde scélératesse cachée sous cette apparente bonhomie, et combien prendre une main avec sa droite ou sa gauche est une chose dissemblable, quoi qu’en puissent dire les ignorants.

Le bras droit de Rodolphe touchait celui de madame de M*** et la taille fière et cambrée de celle-ci laissant un interstice entre elle et le dos de la causeuse, Rodolphe, le grand tacticien, insinua fort ingénieusement sa main, et puis son bras par cette tranchée naturelle, et se trouva au bout de quelques instants remplacer le dossier de la causeuse,