Page:Gautier - Les jeunes France, romans goguenards.djvu/327

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Le grillon ne chantait que bien rarement. La maison semblait morte, le jour avait des teintes blafardes, et ne pénétrait qu’avec peine les vitres jaunes, la poussière s’entassait dans les chambres inoccupées, les araignées jetaient sans façon leur toile d’un angle à l’autre, et provoquaient inutilement le plumeau ; l’ardoise du toit, autrefois d’un bleu si vif et si gai, prenait des teintes plombées, les murailles verdissaient comme des cadavres, les volets se déjetaient, les portes ne joignaient plus ; la cendre grise de l’abandon descendait fine et tamisée sur tout cet intérieur naguère si riant et d’une si curieuse propreté.

La saison avançait ; les collines frileuses avaient déjà sur leurs épaules les rousses fourrures de l’automne, de larges bancs de brouillard montaient du fond de la vallée, et la bruine rayait de ses grêles hachures un ciel couleur de plomb.

Il fallait rester des journées entières à la maison, car les prairies mouillées, les chemins défoncés ne nous permettaient plus que rarement le plaisir de la promenade.

Maria dépérissait à vue d’œil, et devenait d’une beauté étrange ; ses yeux s’agrandissaient et s’illuminaient de l’aurore de la vie céleste ; le ciel prochain y rayonnait déjà. Ils roulaient moelleusement sur leurs longues paupières comme deux globes d’argent bruni, avec des langueurs de clair de lune et des rayons d’un bleu velouté que nul peintre ne saurait rendre : les couleurs de ses joues, concen-