Page:Gautier - Les jeunes France, romans goguenards.djvu/34

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d’un courtisan à une reine que je ne vous dirai pas, car vous le savez comme moi, et qui est d’une grande vérité. Il n’y a pas de différence de la femme qui se livre pour un million à la fille qui se prostitue pour cent sous.

Cette femme est vertueuse, c’est bien, je veux le croire ; qui vous dit qu’il faut lui en avoir d’obligation ? Un coup de sonnette, une porte ouverte brusquement, sont peut-être la seule cause de cette vertu intacte dont elle fait tant d’étalage.

Un bon verrou bien tiré, et une porte dérobée en cas d’accident, il n’y a pas de vertu avec cela.

Et puis, chaque femme comme chaque homme a son idéal ; on meurt quelquefois en le cherchant. Un an de vie de plus, on l’aurait trouvé ; alors, dites-moi, que serait devenue la vertu ?

Quelquefois on le rencontre, on l’épouse : ceci est légal, il n’y a rien à dire, mais ce n’est qu’une heureuse position, et cette femme favorisée du sort, placée autrement, eût sans aucun doute agi différemment. Chaque âme, chaque corps a son pôle où il tend à travers tout comme la boussole au nord ; il ne faut pas faire rebrousser l’aiguille. La femme que j’assiégerais deux ans sans succès, se livrerait à toi au bout d’un mois. Alors le niais repoussé va crier sur les toits qu’il a trouvé une vertu ; voilà somme les réputations se font. Il a trouvé une place prise : voilà tout.

Je ne connais rien de bouffon comme les causes de plusieurs choses graves. Si l’on se rendait compte