Page:Gautier - Les jeunes France, romans goguenards.djvu/87

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— Parlez, vous savez bien que je ne suis pas cruel surtout avec vous.

— Récitez à ces dames la pièce de vers que vous m’avez dite l’autre jour, je leur en ai parlé, elles meurent d’envie de l’entendre.

À cette proposition, le front d’Onuphrius se rembrunit, il répondit par un non bien accentué ; madame de *** insista comme les femmes savent insister. Onuphrius résista autant qu’il le fallait pour se justifier à ses propres yeux de ce qu’il appelait une faiblesse, et finit par céder, quoique d’assez mauvaise grâce.

Madame de ***, triomphante, le tenant par le bout du doigt pour qu’il ne pût s’esquiver, l’amena au milieu du cercle, et lui lâcha la main ; la main tomba comme si elle eût été morte. Onuphrius, décontenancé, promenait autour de lui des regards mornes et effarés comme un taureau sauvage que le picador vient de lancer dans le cirque. Le dandy à barbe rouge était la, retroussant ses moustaches et considérant Onuphrius d’un air de méchanceté satisfaite. Pour faire cesser cette situation pénible, madame de *** lui fit signe de commencer. Il exposa le sujet de sa pièce, et en dit le titre d’une voix assez mal assurée. Le bourdonnement cessa, les chuchotements se turent, on se disposa à écouter, un grand silence se fit.

Onuphrius était debout, la main sur le dos d’un fauteuil qui lui servait comme de tribune. Le dandy vint se placer tout à côté, si près qu’il le touchait :