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à tristan et iseult

nis. Tristan et Iseult sont deux, et ils voudraient se fondre en une seule âme, une pensée unique, un scintillement d’amour dans la nuit illimitée ! aussi, éperdus, inassouvis, aspirent-ils à l’infini de la mort ; ils rêvent de s’enfuir au delà des mondes, dans cette ombre mystérieuse qui sur terre les protège, mais dont le jour et les vains fantômes de la vie triomphent sans cesse pour leur infliger la torture de la séparation.

« La nuit éternelle, l’auguste nuit d’amour sans les erreurs du matin ! l’enchantement d’un long rêve dans des espaces sans limites ! plus de noms qui séparent ! Une seule flamme, une seule pensée, l’évanouissement délicieux dans les bras l’un de l’autre, l’ardente volupté de la mort, sans fin, sans réveil ! »

Mais, brusquement, voici le jour cruel, et avec lui la honte. L’amour sublime est traîné devant tous, outragé comme un vulgaire adultère. Puis le combat dans lequel Tristan, ivre encore de l’extase divine, n’est plus le héros au bras victorieux et tombe mortellement blessé.