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ses biens et en distribua le prix aux pauvres. Par là, il gagnait deux points de la plus haute importance : il renonçait aux vues mondaines, si fatales à la piété, et il accomplissait dans toute son étendue la loi de la charité, loi sublime ! que Dieu lui-même préfère à tous les sacrifices, et que n’avait pas accomplie celui qui se vantait d’avoir accompli tous les préceptes. Une foi précoce et hâtive le conduisait à la perfection, presque avant de savoir en quoi consistait la perfection. Je le demande, où trouver cet héroïsme parmi les plus anciens ? Où est l’homme qui, vieilli dans la foi et entendant depuis de longues années retentir à ses oreilles la parole divine, ait donné de si beaux exemples, exécuté d’aussi grandes choses que le néophyte, à peine initié à nos mystères, mais laissant bien loin derrière lui l’âge et l’ancienneté, à une époque où l’on pouvait à peine le croire chrétien. Il n’est pas ordinaire de moissonner aussitôt que l’on a semé ; personne ne cueille le raisin sur un cep nouvellement enfoui ; aucune main ne va chercher des fruits mûrs sur l’arbuste naissant. Dans Cyprien, tout marchait rapidement à la maturité. La moisson, si l’on peut ainsi parler, car la chose confond la croyance, fut battue avant d’avoir été semée ; la vendange devança le pampre ; le fruit précéda l’arbuste.

3. L’apôtre recommande dans ses épîtres d’exclure de l’épiscopat les néophytes, dans la crainte que la torpeur du paganisme, engourdissant encore leur intelligence mal affermie, leur inexpérience ne vînt à heurter contre quelque grave prévarication. Cyprien fut le premier et, je crois, le seul qui dut plus à la vivacité de sa foi qu’au progrès du temps. On m’objectera peut-être cet eunuque dont il est parlé aux Actes des apôtres, et que Philippe baptisa sur le champ, à cause de l’énergie de ses convictions. Mais je vois entre les deux une différence notable. Celui-ci était Juif ; il sortait du temple de Dieu ; il avait sous la main les prophéties d’Isaïe ; il espérait dans le Messie, quoiqu’il ne le crût pas encore descendu sur la terre. Celui-là, échappé des nations infidèles, débute avec une maturité de foi que peu de Chrétiens ont égalée au terme de leur carrière. Point de retard, point d’entrave à la grâce qui lui parle ! C’est trop peu