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d’abord parce qu’elles étaient indispensables au recrutement de l’armée, d’une armée industrieuse comme le voulait l’admirable génie romain. C’est dans leurs rangs que se recrutaient les ouvriers des légions (fabri aerarii, fabri tignarii), c’est-à-dire charpentiers, forgerons, armuriers, qui entretenaient le matériel de guerre, construisaient les machines ; maçons et terrassiers, qui bâtissaient : les ponts, creusaient les tranchées et les mines de sièges ; formant un corps à part, analogue au génie de nos armées modernes et sous les ordres comme sous la juridiction du praefectus fabrum[1]. Incorporés dans les manipules de la légion, ils constituaient par l’encadrement cette force particulière des troupes romaines, qui, ayant toujours le moyen d’atténuer par une industrie rapide et habile leurs avaries matérielles, n’étaient jamais entièrement désemparées[2].

On conçoit, que l’organisation hiérarchisée et disciplinée de ces corporations[3] formât des cadres tout prêts pour tous les travaux publics. De plus, les partis politiques, les factions diverses trouvaient dans leur appui une grande force, et cherchaient à les attirer de leur côté plutôt qu’à les combattre. Elles abusèrent d’ailleurs de cette puissance et furent souvent des foyers de

  1. Cet officier, en principe, était une sorte d’ingénieur en chef, directeur des ateliers, arsenaux et chantiers. Sous l’empire, le titre demeura sans les attributions ; ce fut un officier hors cadres, le plus souvent officier d’ordonnance d’un gouverneur de province. On croit même qu’il n’eut plus de fonctions proprement militaires, et qu’il aurait été comme une sorte d’intendant général des travaux publics, son autorité s’exerçant ainsi aussi bien sur les ouvriers civils que sur les ouvriers d’armée occupés aux ouvrages de la province (Cf. Borghesi, Œuvr. ; Mommsen, Hermès, I ; Maué, der Praefectus fabrum ; Cagnat, L’armée romaine d’Afrique, p. 187).
  2. « Habet praeterca legio fabros tignarios, structores, carpentarios, ferrarios, pictores, reliquosque artifices ad hibernorum aedificia fabricanda, ad machinas, turres ligneas ceteraque, quibus vel expugnantur adversariorum civitates, vel defenduntur propriae, praeparatos, qui arma, vehicula ceteraque genera tormentorum vel nova facerent, vel quassata repararent. Habebant etiam fabricas sentarias loricariasque arcuarias, in quibus sagittae, missibilia, cassides, omniaque armorum genera formabantur. Hace enim erat cura praecipua, ut quidquid exercitiis necessarium videbatur nunquam deesset in castris, usque eo, ut etiam cunicularios haberent, qui ad morem Bessorum, ducto sub terris cuniculo murisque intra fundamento perfossis improvisi emergerent ad urbes hostium capiendas. Horum judex proprius erat praefectus fabrum. » (Végèce, ii, 11).
  3. « De même que le municipe, la corporation se divisait en centuries et décuries, à la tête desquelles étaient des chefs ordinairement électifs, désignés sous les noms de maîtres, de quinquennaux, etc. ; leurs membres se plaçaient alternativement sous la protection de patrons, s’adjoignaient des associés honoraires ; enfin ils se réunissaient à jour fixe, dans des lieux d’assemblée que les inscriptions désignent sous le nom de scholae ; et là, ils célébraient des fêtes auxquelles la religion demeurait rarement étrangère. Ils avaient leurs prêtres, leurs temples, toute une série d’institutions religieuses qui se perpétuèrent même après le triomphe du culte chrétien. » A. Choisy, L’art de bâtir chez les Romains, p. 198.