Page:Ginguené - Lettres sur les Confessions de J. J. Rousseau, 1791.djvu/15

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que des apologies. Rouſſeau conçut le projet difficile de ſe peindre tel qu’après une longue & ſérieuſe étude, il ſe ſentoit au fond du cœur ; & laiſſant les Mémoires aux hommes vains & aux charlatans, il entreprit ſes Confeſſions.

La ſituation où il étoit alors dans l’opinion publique, rend ce projet très-méritoire. Perſécuté pour le plus beau de ſes ouvrages, l’auteur du Contrat ſocial, de l’Héloïſe & d’Emile, joignoit l’intérêt de ſes malheurs à celui de ſon génie & de ſa vertu. L’Europe, en le liſant, avoit appris à ne pas plus douter de l’une que de l’autre. Quelques bruits vagues, nés d’aveux qu’il avoit faits dans l’imprudente effuſion de l’amitié, ſe répandoient, il eſt vrai, ſur les erreurs de ſon obſcure jeuneſſe, & même ſur quelques fautes plus graves de l’age mûr ; mais ſourdement encore, & telles qu’une demi-confeſſion, rédigée avec cette apparente franchiſe, qui en impoſe beaucoup mieux qu’une diſſimulation entière, eût à jamais effacé les impreſſions naiſſantes ; & prenant déſormais pour règle ce qu’il auroit avoué dans ſes Mémoires, la Poſtérité eût mis le reſte ſur le compte de la calomnie.

Au lieu de cela, que fait-il ? Vices, fautes, erreurs, il dit tout, il n’adoucit rien ; il déroule ſon cœur aux yeux des hommes, comme devant l’Etre ſuprême. Il n’avoue pas feulement ce qui eſt mal,