Page:Ginguené - Lettres sur les Confessions de J. J. Rousseau, 1791.djvu/17

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
(7)

deux ans auparavant, il avoit tenu le même langage à M. Moultou, ami conſtant de ſa mémoire, comme il le fut de ſa perſonne[1]. « Malheureuſement, lui diſoit-il, n’ayant pas toujours vécu ſeul, je ne ſaurois me peindre ſans peindre beaucoup d’autres gens ; & je n’ai pas le droit d’être auſſi ſincère pour eux que pour moi, du moins avec le public, & de leur vivant. » Auſſi eut-il, dès l’origine, comme juſqu’à la fin de ſa vie, l’intention que cet écrit fût poſthume. Il y trouvoit ſon compte, auſſi bien que ceux dont il avoit à parler ; & c’étoit, comme il le dit dans ſon dixième livre, ce qui l’avoit enhardi à faire ſes Confeſſions, « dont jamais il n’auroit à rougir devant perſonne. »

Mais devoit-il, même après ſa mort, expoſer la mémoire de ceux qu’il confeſſoit ainſi malgré eux, à rougir devant la Poſtérité ? Voilà la queſtion.

On lui reproche, & ce n’eſt pas à tort, d’avoir révélé l’inconduite de Madame de Warens. Il a ſans doute beaucoup loué cette charmante bienfaitrice : il aime à ſe peindre régénéré, ou plutôt créé par elle. C’eſt auprès d’elle qu’il nâquit, en

  1. La lettre à M. Moultou eſt de janvier 1763 ; celle à Duclos, de décembre 1764.