Page:Ginguené - Lettres sur les Confessions de J. J. Rousseau, 1791.djvu/18

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
(8)

même temps, au plaiſir & à la ſageſſe. Bonté, bienfaiſance, ſollicitude pour les malheureux, graces, douceur, eſprit ſolide & cultivé, déſintéreſſement, franchiſe, cœur ſenſible, délicat, & fait pour l’amitié ; telle eſt l’idée qu’il nous donne de cette adorable Maman, qu’il traite ſans ceſſe d’ange, d’ame angélique & de créature céleſte.

Mais pourquoi joindre à ce portrait des ombres ſi défavorables ? S’il croyoit néceſſaire à ſon plan de dire les bontés que Madame de Warens avoit eues pour lui, & la manière ſyſtématique, & moins voluptueuſe que raiſonnée, dont elle l’avoit conduit aux dernières faveurs, manière qui dur influer dans la ſuite ſur ſon être moral, & qui par conſéquent appartenoit à ſes Confeſſions ; alors il devoit ne la pas nommer : il devoit ſur-tout cacher les autres foibleſſes de cette femme ſingulière. Pourquoi voyons nous paſſer ſucceſſivement dans ſes bras le demi-valet Claude Anet, Jean-Jacques, & le garçon-perruquier Courtille ? Pourquoi ce partage odieux qu’elle propoſe froidement, ſans croire même avoir fait une propoſition extraordinaire ? N’eſt-ce pas avilir à plaiſir celle qu’il prétend honorer, & ravaler cet Ange au-deſſous de la dernière des femmes ?

Je ſais qu’il nous la repréſente inacceſſible aux