Page:Ginguené - Lettres sur les Confessions de J. J. Rousseau, 1791.djvu/20

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même claſſe ; & que ce n’étoit pas à un fils tendre & reconnoiſſant de claſſer ainſi ſa Maman chérie & ſa bienfaitrice ?

Il auroit pu ſe diſpenſer auſſi d’apprendre aux âges futurs les liaiſons de quelques autres femmes ; de deux ſur-tout, dont l’une fut long-temps ſon amie, & dont l’autre lui inſpira la plus forte & la plus ardente paſſion. Il eſt vrai que la première fit ſuccéder aux douceurs & aux attentions de l’amitié les mauvais procédés de la tracaſſerie, & les perſécutions de la haine ; & que la ſeconde paroît avoir mis dans ſon attachement, devenu, ſelon nos mœurs, reſpectable par ſa durée, une ſorte de publicité qui laiſſoit peu de choſes à faire à l’indiſcrétion d’un tiers. Ces raiſons, ſuffiſantes pour tout autre auteur moins auſtère dans ſa morale, ſont foibles pour le plus rigide & le plus éloquent apôtre des bonnes mœurs.

Il a du moins ici l’excuſe de la néceſſité dont l’aveu de ces liaiſons étoit pour l’hiſtoire de ſa vie : encore cette néceſſité n’étoit-elle abſolue que pour la dernière. Son amour pour Madame d’H… lui fut imputé à crime ; & il ſe l’impute lui-même, parce que cet amour alloit ſur les droits de l’amitié : il falloit donc qu’il peignît au naturel la ſituation des acteurs, ou qu’il renonçât à cette ſcène, la plus vive, la plus animée de tout ſon ouvrage, ou plutôt qu’il