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MAI. — LES ROMANS 133

Sabine Aligand, qui s'en est retournée en Angleterre pour se marier.

En baptisant ainsi la nouvelle « miss », Raymond, le jeune frère de Sabine, a parfaitement qualifié cette jeune fille a l'air si chaste et si candide, aux cheveux si blonds, aux dents si blanches, qui a tout de suite fait la conquête de toute la famille et qui est, en réalité, une terrible sainte-nitouche au passé tumultueux, per- sonne tout en toc dont les dents blanches sont fausses, dont les blonds cheveux sont teints, et qui, dans cette maison qui l'accueillit avec tant de bonne grâce, se livre aux plus vilains manèges pour, à la fin, s'enfuir certain jour en emportant les bijoux de Sabine et en enlevant par surcroit son fiancé, par qui elle se fera même épouser.

Cette histoire rapide, alerte, est contée par Sabine a son ancienne institutrice, et elle nous permet d'ap- précier cette jeune fille, digne vraiment de figurer dans la galerie des vierges fortes et tendres de Marcel Pré- vost. C'est une bien jolie figure, cette Sabine: elle rit gentiment de l'aventure, mais on sent bien qu'il y a, au bord de ses jolis yeux, des larmes qu'elle ne veut pas laisser couler parce qu'elle est courageuse. Vous com- prenez, c'est tout de même une terrible aventure pour une jeune fille de vingt ans ! Elle a beau se raisonner, se dire qu'après tout, de bien plus grands malheurs lui ont été ainsi épargnés; elle a cependant le cœur gros, et il lui faut un joli héroïsme pour raconter ainsi cette histoire de sa première désillusion. Et c'est tout à fait gracieux, émouvant et délicat.

Je me suis laissé aller au plaisir de vous parler un peu longuement de cette jolie nouvelle, et je n'ai plus que peu de place pour vous dire la tragique impression qui se dégage de la Paille dans l'Acier, une douloureuse histoire où la vilenie d'une femme amène entre deux hommes, également loyaux et droits, une affreuse catastrophe, et la grâce subtile de la Pro^^inciale,