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140 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

authentique de ce mouvement syndicaliste des métayers du Centre dont on a tant parlé ces derniers temps.

Marcel Salembier, qui nous conte en son fruste lan- gage ces événements auxquels il prit une si grande part, est un paysan intelligent, à qui l'école primaire a donné tout ce qu'elle pouvait, notamment le goût de la lecture; et, ce goût, il le satisfait d'abord avec les humbles feuilles du canton, puis avec des ouvrages prêtés : A mon frère le Paysan, de Reclus, Entre Paysans, de l'italien Malatesta, et quelques autres du même acabit.

Ces lectures lui ont révélé les injustices dont ses pareils étaient victimes; malgré l'optimisme du père qui, avec ses histoires d'autrefois, lui montre que le sort du paysan est tout de même aujourd'hui plus heureux que jadis, il a songé qu'il y avait beaucoup à faire pour l'amélioration du sort de ses semblables. Il a connu des exactions commises par de gros fermiers et par des propriétaires : il les a dénoncées dans un petit journal et le bruit fait autour de ses articles, les appels véhéments de quelques camarades l'ont con- vaincu de sa mission: il a voulu libérer les paysans par l'union, il a fondé le Syndicat de Baugignoux.

Sincère, ardent, désintéressé, il s'est donné tout entier à sa tâche ; mais, bientôt, pris entre l'hostilité de ses maîtres, le mécontentement des vieux résignés à leur sort, le chagrin de sa femme délaissée, et surtout l'indifférence des paysans, de ceux-là même qui le pous- sèrent le plus violemment, il se désespère; il renonce à ses rêves, à son idéal mystico-révolutionnaire, et il reprend sa vie terre à terre, banale, égoïste et presque tranquille.

Cette très simple histoire, M. Emile Guillaumin nous l'a contée en des pages vivantes, frustes, d'une émotion directe qui ne doit rien aux mots ; et c'est un document humain du plus puissant intérêt, une page sincère et