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142 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

arrondis, ils ont le geste rondouillard. Le Don Juan pourrait être figuré par un L. et... l'autre par un O. René Lafourgeix est certainement un 0. Toutes les aventures qu'il traverse sont dominées par des histoires alimentaires : il prend, pour devenir un homme élé- gant, des leçons d'un maître à manger, il aime au cours d'un dîner somptueusement servi, il est trompé dans un restaurant médiocre, le « Bœuf Couronné », où l'homme en L. reprend ses avantages; il se marie entre deux recettes culinaires...

On mange beaucoup dans ce roman, on y boit aussi : les émotions s'y traduisent par l'absorption de sorbets, de bière ou de limonade, et c'est partout la «Tortillade» qui règne. Dans un livre où l'on est si souvent à table, où sans cesse coule le bourgogne et pétille le Cham- pagne, on doit nécessairement être gai, spirituel et parfois profond. On l'est énormément, et c'est une joie qui ne se dément pas un instant; le dialogue, court, verveux, incisif, donne à l'histoire une allure rapide, désinvolte, très « vie parisienne », et c'est tout à la fois — soyons culinaires, nous aussi — un régal de gour- mand d'une admirable abondance comique, et un joli plaisir de gourmet, car les épices délicates et le sel attique n'ont point été oubliés à ce banquet.

PIERRE MILLE

Louise et Barnavaux.

Le héros de ce roman d'une intense originalité, d'une forme tout à fait particulière, le soldat colonial Bar- navaux, entre de plain pied dans le récit sans que l'au- teur ait songé à nous le présenter; il ne s'attarde pas davantage à l'étudier au cours de ces épisodes divers dont Barnavaux est quelquefois le héros, et plus sou-