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MAI. — LES ROMANS 143

vent le narrateur; et pourtant, à la fin du livre, une image s'est formée sous nos yeux, d'une précision, d'une intensité, d'une couleur extraordinaires; on ne nous a décrit Barnavaux ni physiquement, ni morale- ment, et nous le connaissons parfaitement, « dans les coins, » comme il diluait; ce type si curieux, si prenant de soldat colonial s'est campé tout seul, pour ainsi dire, sous nos yeux, en des traits définitifs.

Cette figure où il y a de la brutalité, du cynisme, de la vaillance, de l'honneur et de la grossièreté, figure composite, et pourtant si logique et si vraie, nous l'avons reconstituée, chemin faisant, au cours de tant d'épisodes tragi-comiques, douloureux ou mélanco- liques, sans autre lien que Barnavaux qui les vit ou qui les raconte et dont un mot ou un geste nous révèlent le caractère ; et c'est d'un intérêt saisissant et parfois d'une poignante émotion, malgré Barnavaux qui ne s'émeut pas pour si peu, malgré l'auteur lui- même qui ne veut pas avoir l'air de s'émouvoir et qui garde, en face de ces belles histoires créées par lui, si chaudes, si dramatiques, si captivantes, — un petit air de détachement et d'ironie.

HENRY BIDOU

Marie de Sainte-Heureuse.

C'est le premier roman de M. Henry Bidou, critique dramatique et littéraire de grand talent et de haute culture. Un début comme celui-là est nécessairement très attendu, je dirais presque guetté, dans le monde des lettres, impatient et curieux de savoir ce que don- nera dans le roman l'indiscutable talent d'un écrivain que la critique a mis au premier rang.

Cette attente ne sera pas déçue : le roman de