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JANVIER. — LES ROMANS rf

Cruauté naïve, désinvolte et inconsciente pour celui qu'elle n'aime pas sont évoqués par M. Octave Aubry avec une grande puissance de vérité et de vie, avec aussi une mesure et un agrément dans l'expression qui atténuent un peu le caractère pénible de cette analyse et nous aident à tolérer ce miroir implacable, posé devant nos yeux.

L'héroïne du roman, Anne Thiercelin -Tellière, Sœur Anne comme l'appellent ses amies, est une jeune veuve qui fut courtisée par Jean de Chandé, le très psychologue romancier, et par Jacques Fontane, son ami; Jean de Chandé repoussé, trouva spirituel et galant de favoriser les amours de Jacques, il y réussit trop bien : Anne et Jacques se sont aimés follement pendant huit mois; Anne a continué; mais ce délai a épuisé les réserves de fidélité de Jacques : il en a eu assez de ces amours et il a rompu assez brutalement. La jeune femme, pour le reconquérir, a joué le jeu habituel : elle a flirté avec Jean, lequel, aveugle comme la plupart des romanciers psychologues et vaniteux comme tous les hommes, n'a rien compris à ce jeu et s'est laissé reprendre, et Jacques, pas très élégant, a encouragé son ami, pensant se débarrasser ainsi définitivement de sa maîtresse.

Il n'en a rien été, et le lendemain de la nouvelle chute d'Anne — car la jeune femme conduit jusqu'au bout la dangereuse expérience — Jean a dû se rendre compte que, malgré tout, il n'était pas aimé, et Jacques piqué enfin par la jalousie est revenu pour quelque temps à son amie, pas pour longtemps, car il l'aban- donne de nouveau, et Anne, lasse de tant d'outrages, se réfugie dans la mort. Et désormais un cadavre sera entre ces deux hommes, brisant pour toujours leur amitié.

Cette analyse ne peut vous donner qu'une idée très lointaine du livre qui est tout à fait émouvant, ingé- nieux, humain, et dont les épisodes se déroulent dans