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236 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

JEANNE BROUSSAN-GAUBERT

Josette Chardin ou TÉgoïste.

L'héroïne du roman de M^^^ Jeanne Broussan-Gau- bert est une' bien abominable petite créature; il fallait une romancière pour oser imaginer une telle femme : un homme n'aurait jamais eu cette audace, il aurait eu trop peur — et à juste titre, — du courroux des lec- trices qui lui auraient demandé, avec indignation, dans quel repaire il était allé chercher un aussi invraisem- blable modèle.

Voici donc, présentée par une femme, l'image de 'la femme égoïste. Elle n'est pas belle, et si l'égoïsme est, comme nous le répètent à satiété nos belles amies, une qualité essentiellement masculine, il faut bien avouer que lorsque les femmes se mêlent de nous la prendre, elles la portent tout de suite à son plus haut degré de puissance et de perfection.

Josette Chardin, dès son jeune âge, a froidement, méthodiquement organisé sa vie; sans fortune, elle a résolu d'épouser un homme riche qui lui donnerait le luxe, le bien-être, l'indépendance. Cet homme, elle le rencontre dans la personne de l'archéologue Pierre Chardin qu'elle a vite fait d'envelopper et de conquérir; il l'épouse avec ravissement; mais, dès le lendemain du mariage, il s'aperçoit qu'il n'a auprès de lui qu'une froide et indifférente poupée éprise seulement d'elle- même, de sa beauté et de sa voix qui lui vaut dans le monde de précieuses joies de vanité.

Épouse indifférente, Josette devient une mère sans tendresse, elle abandonne l'enfant né de son mariage à l'époux débonnaire et affectueux; le petit tombe malade et meurt, mais cet affreux malheur n'émeut point autant Josette que la perte de sa voix survenue à peu