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AOUT-SEPTEMBRE. LES ROMANS 269

est de courte durée; Français, il est vite débordé par la horde des Siciliens, des Mahonais, des Calabrais, des gens de Valence et d'Alicante, qui, venus d'Europe pour faire le chemin de fer, ont apporté la haine de r.\rabe, le mépris de qui les aime. Leurs compatriotes d'hier. Italiens et Espagnols que nous avons natura- lisés et qui ont tous les droits refusés aux Arabes, ont vite fait de détruire l'œuvre du khalife; ils l'expulsent de la mairie, où un Français « civilisé» du nom de Gon- zalvez s'installe à sa place.

La pauvre fête arabe alors est bien finie; on a arra- ché les lauriers-roses, négligé les palmiers, supprimé les dattes dorées, et on a planté sous ce ciel d'Afrique de tristes peupliers d'Italie. On a fait pousser des pom- mes, des poires, des petits pois ridicules dans ces jar- dins d'où toute ombre et toute fraîcheur ont disparu; les tourterelles même ont cessé de faire entendre leurs roucoulements passionnés, qui, dans la poésie arabe, sont l'image même du désir.

C'est la hideuse civilisation, celle qui détruit toute beauté, toute poésie. Devant elle le khalife français a fait comme l'Arabe : il s'est enfui vers le Sud, il est allé rejoindre les tribus nomades avec lesquelles, ce qui reste de la fête arabe, vit encore au désert.

Et il a compris pourquoi les Arabes haïssent et mépri- sent ces Barbares qui, au nom de la civilisation, détrui- sent les plus beaux lieux du monde, et il a éprouvé la triste vérité de cette formule : « L'Afrique du Nord est une vache que le Français maintient solidement par les cornes, tandis que l'Italien, le Maltais, l'Espagnol la traient inépuisablement. »

Et c'est un livre très triste et très beau, un peu lan- guissant au début, mais qui peu à peu vous empoigne, vous emporte, et dans lequel ÂIM. Jérôme et Jean Tha- laud ont évoqué, en des pages magnifiques d'émotion, (!<' lumière et de mélancolie le spectacle merveilleux do ccH" f*""'»" MT'fdw. }h];i«^ ! agonisante.