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NOVEMBRE. — LES ROMANS 337

aux éclats, et puis nous nous prenons à penser, nous trouvons entre ces fantoches et nous des traits de res- semblance : nous sommes tous peu ou prou des linottes, et Georges Courteline est un bien sagace, bien profond et bien spirituel observateur.

LÉON DAUDET

Le Lit de Procuste.

Ce « roman contemporain » est une œuvre curieuse et forte qui n*a qu'un grave défaut pour le chroniqueur c'est d'être tout à fait rebelle à l'analyse. Si je vous contais l'aventure amoureuse de Jean Langlade et d'Eliane; celle de Tavel, le célèbre écrivain idolâtre de la forme verbale, et d'Epervant, le vieux philosophe millionnaire et libertaire; si j'évoquais sous vos yeux le phalanstère anarchiste de Comberouge, et l'attentat perpétré par deux de ses pensionnaires contre la Bourse; si je vous disais enfin l'anecdote de ce roman tumultueux, je parviendrais — peut-être, et ce n'est pas très sûr ! — à vous donner une idée de son intérêt, de la vie ardente qui l'anime, mais je trahirais sûrement la pensée de l'écrivain.

Le vrai drame, en effet, que ce livre veut évoquer, c'est un drame intellectuel, philosophique, social; c'est la lutte entre deux théories également décevantes : celle de l'art pour l'art, et celle de l'art pour le peuple ; le vrai drame, c'est l'évasion de deux êtres sains un instant ligotés, altérés dans ces théories, et sauvés par l'amour.

Jean Langlade s'est échappé de ce lit de Procuste où l'avait couché son maître Tavel, « lit de la grammaire, de la syntaxe, du dictionnaire », où il l'étendait tour à tour et le réséquait pour lui donner la taille qui con- vient, la seule bonne à sa guise ; Eliane, de son côté, a