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NOVEMBRE. — LES ROMANS 339

chef des soldats de Longeverne, la guerre prend, cer- f ain jour, une tournure nouvelle : non contents d'échan- „^or des injures et des coups, les combattants décident de soumettre les prisonniers que le sort des armes fera tomber entre leurs mains à un traitement particulier <(ui consistera à les dépouiller systématiquement de tous les boutons qui garnissent leur chemise, leur tricot, leur veste, leur culotte; — de tous les crochets qui retiennent leurs pattes de pantalons, des agrafes de leur blouse, des cordons de leurs souliers, de l'élastique de leurs jarretières. Ainsi dépenaillé, le pauvre garçon

iux trois quarts dévêtu, s'enfuira sous les huées de ses

nnemis et trouvera, par surcroit, en rentrant à la mai- son, une raclée vengeresse de la mère indignée.

Telle est la guerre des boutons. Elle se déroule en trente épisodes tragi-comiques, narrées en une langue d'une rare verdeur, car M. Louis Pergaud, qui faisait parler ses bêtes avec quelque retenue, n'a pas eu les mêmes scrupules pour ses jeunes héros.

Aussi bien, il met son livre sous l'invocation de François Rabelais qui en garde le seuil avec cette épi- graphe : « Cy n'entrez pas, hypocrites, bigotz, vieulx matagots, marmiteux, borsoufïez ». La précaution n'est point inutile : les hypocrites, les bigotzs, et les marmi- teux feront bien de s'enfuir et d'emmener avec eux les personnes à l'oreille délicate que les gros mots, trop souvent répétés, risquent d'offenser un peu. M. Louis Pergaud ne se soucie guère de leurs pudeurs qui sous leur hypocrite manteau ne fleurent trop souvent que I névrose et le poison ». « Foin des purs latins, nous dit-il, — et l'on sait de reste que la culture latine le laisse assez froid ! — je suis un Celte. C'est pourquoi j'ai voulu écrire un livre sain, qui fût à la fois gaulois, (•pique et rabelaisien; un livre où coulât la sève, la vie, I enthousiasme; et ce rire, ce grand rire joyeux qui devait secouer les tripes de nos pères : buveurs très illustres ou goutteux très précieux ». Et de fait, il y a