Page:Glaser - Le Mouvement littéraire 1912.djvu/50

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

36 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

THOMAS HARDY

Deux yeux bleus.

n est bien joli ce roman, d'une émotion poignante, profonde subtile, et puis, il est si anglais; il évoque avec une si amusante réalité des milieux, des physio- nomies, des mœurs très différentes des nôtres et qui nous apparaissent pourtant si familières.

Positivement, nous vivons chez M. Swancourt, le vicaire de la paroisse d'Endelstow, nous connaissons dans tous ses détails son humble demeure et ceux qui y fréquentèrent : ce jeune homme autrefois mort de consomption, et Stephen Smith, le jeune architecte, fils d'un maçon, et que dévorent les plus nobles amxbi- tions, et aussi Henri Knight, le grand journaliste, • — tous ces hommes parmi lesquels deux « yeux bleus )> viennent le plus innocemment du monde apporter la dévastation et le désespoir, les yeux d'Elfride, la fille du vicaire, « ces yeux bleus comme la brume d'au- tomne dans le lointain, lorsqu'elle se recule au-dessus des bois par un matin ensoleillé de septembre, d'un bleu indécis qui ne s'arrête pas à la surface mais sem- blait se prolonger au-dedans ».

Une jeune fille de dix-neuf ans qui possède de tels yeux doit être une bien troublante personne, et Elfride trouble, en effet, et désespère ceux qui l'approchent : l'amour naît sous ses pieds menus le plus naturelle- ment du monde et c'est, malgré elle, l'innocente, un amour qtii sème la souffrance et la mort. Elle est, elle- même, la victime de cette fatalité qui s'acharne autour d'elle, et après avoir, par résignation, épousé le vieux lord Luxellian, elle meurt de désespoir toute jeune, toute jolie, laissant le souvenir douloureux et enchan- teur d'une belle dame qui a passé en suivant son des-