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MARS. — LES ROMANS 65

Mon attente n'a pas été trompée : le roman de M. Emile Henriot est une œuvre charmante, toute pleine de talent, où l'auteur nous conte l'aventure de Georges Varieux, un jeune homme qui aurait été, il y a cinquante ans, un romantique, mais qui, étant du vingtième siècle, cultive l'égotisme et se penche éper- dument sur soi-même. Sa destinée est d'ailleurs déplo- rable : il frôle le bonheur avec Marie-Rose, avec Célia; il l'atteint, semble-t-il, en épousant enfin Suzanne Chatel, mais pour le perdre presque aussitôt et voir disparaître en même temps sa jeune femme et l'espoir de sa postérité.

Ses aventures pourraient être émouvantes, elles le sont même; seulement, il ne nous est pas possible de le plaindre du fond du cœur, et la raison c'est, je vous le dis tout bas, que ce garçon trop souvent nous porte sur les nerfs : il se regarde trop, il s'intéresse tellement à lui-même que nous nous demandons s'il est bien utile que nous aussi nous nous intéressions à lui.

M. Emile Henriot a d'ailleurs jugé lui-même son héros avec beaucoup de finesse et d'esprit : il dit, à M. Jacques Boulenger, dans sa dédicace : « Si vous jugez un peu sévèrement, comme je le crains, le mal- heureux garçon qui se raconte ici, songez, je vous prie, qu'il serait à plaindre, si la pitié n'était pas détestable et vaine. » Et nous prenons l'auteur au mot : son héros nous paraît pitoyable et intéressant, seulement, nous ne le plaignons pas : il a trouvé d'ailleurs, en M. Emile Henriot, un historiographe plein de talent, qui écrit une langue excellente et dont il est permis d'espérer beaucoup.