Page:Godwin - Caleb Williams, II (trad. Pichot).djvu/200

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Au milieu des horreurs qui m’environnaient, cette idée me donna quelque plaisir, et je me rendis en hâte vers les bords de la Tamise pour la mettre à exécution. L’agitation de mon âme était telle, que la faculté de la vue était comme suspendue en moi. Je traversais les rues sans voir la route que je suivais. Enfin, après avoir erré je ne sais combien de temps, je me trouvai au Pont de Londres. Je courus aux marches, et je vis la rivière couverte de bâtiments. Il faut, me dis-je, qu’aucun être humain ne m’aperçoive au moment où je vais disparaître pour jamais. Cette pensée exigeait quelque attention. Il s’était déjà écoulé un certain temps depuis le dessein que le désespoir m’avait fait prendre. Le jugement me revint peu à peu. La vue des navires me fit renaître l’idée de quitter encore une fois mon pays natal.

Je pris donc des informations, et je trouvai que le passage le moins cher que je pouvais me procurer était dans un bâtiment de commerce amarré près de la Tour, et qui devait mettre à la voile sous peu de jours pour Middelbourg en Hollande. J’aurais désiré qu’on me prît à bord dès l’instant même, et j’aurais tâché d’obtenir du capitaine qu’il me permît d’y rester jusqu’au moment du départ ; mais malheureusement je n’avais pas sur moi assez d’argent pour payer mon passage. C’était pis encore, je n’avais pas dans le monde assez d’argent. Toutefois je donnai au capitaine la moitié de ce qu’il me demanda, et je promis de venir lui apporter le reste. Je ne savais trop comment me le procurer ; mais