Page:Godwin - Caleb Williams, II (trad. Pichot).djvu/201

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j’espérais bien en venir à bout. J’avais quelque idée de l’emprunter à M. Spurrel. Certainement il ne me refuserait pas un si léger service. Il m’aimait, à ce qu’il semblait, avec une tendresse toute paternelle, et je ne crus pas risquer la moindre chose en me remettant pour un moment dans ses mains. J’approchai de mon logement avec un cœur oppressé et plein de sinistres présages. M. Spurrel n’était pas à la maison, et il me fallut attendre son retour. J’avais dans mon coffre de l’ouvrage qui m’avait été remis par lui le matin même pour travailler, et qui valait six fois la somme dont j’avais besoin. Je réfléchis un moment si je ne pourrais pas user de ces matières comme s’ils eussent été à moi ; mais je repoussai cette idée avec mépris. Jamais je n’avais mérité le moins du monde le blâme dont on me couvrait ; j’étais bien déterminé à ne le mériter jamais. Il était fort extraordinaire que M. Spurrel fût dehors à une telle heure ; cela ne lui était pas encore arrivé à ma connaissance. Il avait coutume de se coucher entre neuf et dix. J’entends sonner dix heures, onze heures ; M. Spurrel ne rentre point. Enfin à minuit on heurte à la porte ; je reconnais sa manière de frapper. Chacun était couché dans la maison. M. Spurrel, habitué à rentrer à des heures réglées, n’avait pas de clef pour ouvrir lui-même. L’idée de revoir un compagnon fit luire dans mon cœur un rayon de joie. Je fus bien vite au bas de l’escalier pour lui ouvrir la porte.

Je crus apercevoir, à la lueur de la chandelle que j’avais à la main, quelque chose d’extraordinaire