Page:Godwin - Caleb Williams, II (trad. Pichot).djvu/25

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mais faire des soumissions à celui qui me traite avec tant d’injustice, que j’irai tomber aux pieds d’un homme qui est une furie pour moi, et baiser une main teinte de mon sang ?

— À cet égard, reprit M. Forester, faites comme vous le jugerez à propos. J’avoue que votre fermeté et votre obstination me confondent. Vous ajoutez à l’idée que je m’étais faite des facultés de l’homme ; peut-être, tout bien considéré, avez-vous choisi le rôle qui va le mieux à votre but, quoique pourtant je pense que plus de modération vous aurait été plus favorable. Votre extérieur d’innocence pourra, j’en conviens, ébranler les personnes qui auront à décider sur votre sort ; mais il ne l’emportera jamais sur des faits clairs et incontestables. Pour moi, je n’ai plus rien à vous dire. Vous me montrez un nouvel exemple de l’abus qu’on fait si généralement de ces talents qu’admire une aveugle multitude. Je ne vous vois qu’avec horreur. Tout ce qui me reste à faire à votre égard pour m’acquitter de mon devoir, c’est de vous livrer à la justice de votre pays, comme un monstre de scélératesse.

— Non pas, reprit M. Falkland, je ne consentirai jamais à cela. Je me suis contenu jusqu’ici, parce qu’il était juste de laisser à la vérité le temps de s’établir. J’ai fait violence à mes habitudes et à mes sentiments, parce que le bien public exigeait que l’hypocrisie fût démasquée. Mais je ne puis me contraindre plus longtemps. L’emploi de toute ma vie a été de protéger ceux qui souffrent, bien loin d’ajouter à leurs peines ; et dans cette circonstance