Page:Godwin - Caleb Williams, II (trad. Pichot).djvu/272

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Hollande. Je me transportai donc aussitôt dans cette ville, et presque à mon arrivée je me rendis au port. Il n’y avait pas pour l’instant de navire prêt à faire voile. Je me retirai dans une auberge où, au bout de quelque temps, je demandai une chambre. À peine y étais-je, que la porte s’ouvrit, et je vis entrer l’homme dont la présence était la plus odieuse pour moi, le détestable Gines. Il referma la porte dès qu’il fut entré.

« Mon jeune garçon, dit-il, j’ai un petit avertissement à vous signifier en particulier. C’est un conseil d’ami que je viens vous donner, pour vous épargner bien de la peine inutile. Ce que vous avez de mieux à faire, c’est de prendre la chose comme je vous la dis. Ma fonction actuelle, faute de mieux, c’est, voyez-vous, de veiller à ce que vous ne passiez pas les limites. Non pas que je me soucie beaucoup d’être aux ordres de personne ni de rester toujours collé aux talons d’un autre ; mais je me sens pour vous une tendresse toute particulière, à cause de quelque bon tour que je n’oublie pas, et c’est ce qui fait qu’avec vous je n’y regarde pas de si près. Vous m’avez déjà fait faire une assez jolie tournée, et, au moyen de l’amitié que je vous porte, il ne tient qu’à vous de m’en faire faire encore autant, si cela vous amuse. Mais ne songez pas à arpenter la grande plaine. Mes ordres ne s’étendent pas jusque-là. Vous êtes prisonnier, voyez-vous, et je crois bien que vous le serez toute votre vie. Rendez-en grâce à la douceur ou plutôt à la faiblesse de votre ancien maître. Si la chose dépendait de