Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IV.djvu/30

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au bord de la vaste mer ; les flots jouaient jusqu’à nos pieds ; le monde immense était ouvert devant nous : quelquefois l’un de nous portait la main sur son épée, et les exploits futurs surgissaient autour de nous, du sein de la nuit, innombrables comme les étoiles. •

PYLADE.

Elle est infinie la tâche que l’âme brûle d’accomplir. Nous voudrions que, du premier coup, chacun de nos exploits fût aussi grand qu’il le devient par le progrès, lorsque, durant de longues années, à travers les pays et les générations, la voix des poêles le propage et l’amplifie. Ils sonnent bien les hauts faits de nos pères, quand le jeune homme, qui se repose dans l’ombre paisible du soir, les écoute avidement avec les sons de la lyre ; et ce que nous faisons est, comme ce qu’ils faisaient eux-mêmes, plein de fatigues et d’imperfections. Ainsi nous poursuivons ce qui fuit devant nous, et ne considérons pas le chemin que nous parcourons, et nous voyons à peine, à côté de nous, les pas de nos ancêtres et les traces de leur vie terrestre….-Nous poursuivons sans cesse leur ombre, qui, pareille aux dieux, couronne sur des nuages d’or, dans un -vaste lointain, le sommet des montagnes. Je ne fais nulle estime de l’homme qui a de lui-même l’opinion que peut avoir le peuple qui le vante ; mais, ô jeune homme, rends grûce aux dieux de ce qu’ils ont fait sitôt tant de choses par toi.

ORESTE.

Quand ils accordent à l’homme d’heureux exploits, de détourner un malheur loin des siens, d’agrandir son royaume, d’assurer ses frontières, et d’abattre ou de disperser d’anciens ennemis : alors il peut rendre grâce, car un dieu lui a dispensé la première, la dernière joie de la vie. Moi, ils m’ont choisi pour meurtrier, pour assassin d’une mère encore vénérée, et, vengeant horriblement un acte horrible, ils m’ont perdu par leur appel. Crois-moi, c’est un coup qu’ils ont dirigé contre la race de Tantale ; et moi, le dernier, je ne dois pas mourir innocent, mourir honoré.

PYLADE.

Les dieux ne vengent pas sur le fils le crime des pères. Chacun, bon ou méchantj emporte avec son action sa récom-