Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/189

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Deux Billets, imités de Florian, car, dans ce rôle, ses défauts mêmes lui allaient bien. Il me prit fantaisie de le produire de nouveau. Le portemanteau qui renfermait tant de choses était réellement français. Paul l’avait attrapé et emporté dans notre fuite. Dans la scène principale, Malkolmi jouait d’une manière inimitable le rôle du vieux paysan, riche et bien intentionné ; il rivalisa avec Beck de vérité, de justesse et de naturel. Mais tout fut inutile ; la pièce produisit la plus fâcheuse impression, même chez mes amis et mes partisans, qui se crurent obligés, pour eux et pour moi, de soutenir obstinément que je n’en étais pas l’auteur ; que seulement, par fantaisie, j’avais prêté mon nom et ajouté quelques traits de plume à cette production subalterne.

Mais, comme un fait extérieur ne put jamais me détourner de moi-même et me refoulait au contraire toujours plus en moi, ces peintures de l’esprit du temps continuèrent d’être pour moi une occupation consolante. Les Entretiens d’émigrés allemands1, essai fragmentaire ; les Révoltés*, pièce inachevée, sont autant de témoignages des sentiments dont j’étais alors animé ; et, plus tard, Hermann et Dorothée ’ coula aussi de la même source, qui finit naturellement par s’arrêter. Le poète ne put suivre à la course les révolutions de l’histoire du monde, et, pour lui comme pour son public, il dut s’abstenir de conclure, quand il vit l’énigme se résoudre d’une manière aussi prononcée qu’inattendue.

Sous de telles influences, je souffrais plus vivement que personne, à une si grande distance du véritable théâtre des calamités ; le monde me paraissait plus sanglant, plus altéré de sang que jamais. Si la vie d’un roi doit plus compter dans une bataille que celle de milliers d’hommes, elle est bien plus considérable encore dans une lutte juridique. Un roi subit une accusation capitale, et cela fait circuler des idées et traiter des questions pour l’assoupissement desquelles la royauté s’était hardiment mise en jeu bien des siècles auparavant. Ne voyant plus dans le monde qu’indignités, je cherchais un nouveau refuge contre ces abominations, quand la bonne fortune fit tomber dans mes mains le Roman du Rencard. Rassasié jusqu’à l’horreur des scènes de rues, de carrefours et de populace, je


1. Tome VII, page 421. — 2. Tome UI, page 189. — 3. Tome V, page 3.