Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/190

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trouvai un véritable divertissement à regarder dans le miroir dela cour et des princes : car, si le genre humain s’y montre encore, tout naturellement, dans sa naïve brutalité, tout se passe, sinon d’une manière exemplaire, du moins joyeusement, et nulle part la bonne humeur n’est troublée. Pour jouir intimement de ce précieux ouvrage, j’en commençai aussitôt une fidèle imitation1. Voici comment je fus engagé à l’écrire en hexamètres.

Depuis longtemps, à l’imitation de Klopstock, on écrivait en Allemagne des hexamètres fort négligés. Voss, en se servant de cette forme, fit remarquer ça et là qu’on pouvait y mettre plus de soin ; il ne ménageait pas même ses propres travaux et ses traductions, qui étaient pourtant bien reçus du public. J’aurais voulu apprendre aussi le procédé, mais je ne pouvais y réussir. Sur ce point, Herder et Wieland se donnaient plus de latitude ; on osait à peine faire mention des travaux de Yoss, qui paraissaient de jour en jour plus rigoureux et, pour le moment, sans souplesse. Le public lui-même préféra longtemps les premiers ouvrages de Voss, comme plus coulants. Pour moi, j’avais toujours une secrète confiance dans ce poète, dont on ne pouvait méconnaître le talent sérieux, et, si j’avais été plus jeune ou dans une autre position, j’aurais fait volontiers le voyage d’Eutin pour apprendre son secret : car, par une louable piété envers Klopstock, il ne voulut jamais dire en face à l’illustre et vénérable poète qu’il fallait introduire dans la rhythmique allemande une plus sévère discipline, si l’on voulait qu’elle eût une base solide. Cependant les indications qu’il donnait étaient pour moi des oracles sibyllins. Je me souviens encore à quel point je me suis autrefois torturé l’esprit sur la préface des Gcorgiqucs, et je m’en souviens avec plaisir à cause de mes bonnes intentions, mais non du profit que j’en ai pu tirer.

Or, comme je savais fort bien que, chez moi, toute culture ne pouvait être que pratique, je saisis l’occasion d’écrire de suite une couple de mille hexamètres, auxquels le mérite du fond assurerait un favorable accueil, la forme dut-elle être imparfaite. Ce qui donnerait prise à la critique finirait toujours par s’arranger. Je consacrai donc toutes mes heures de loisir à un travail


1. Tome V, page 85