Page:Gogol - Nouvelles de Pétersbourg (extraits Le Portrait ; Le Nez), 1998.djvu/10

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pour quinze roubles ! Le cadre à lui seul vaut davantage. »

Ici le vendeur donna une légère chiquenaude à la toile pour montrer sans doute toute la valeur de cet Hiver.

« Faut-il les attacher ensemble et les faire porter derrière vous ? Où habitez-vous ? Eh, là-bas, l’apprenti ! apporte une ficelle !

– Un instant, mon brave, pas si vite ! » dit le peintre revenu à lui, en voyant que le madré compère ficelait déjà les tableaux pour de bon.

Et comme il éprouvait quelque gêne à s’en aller les mains vides, après s’être si longtemps attardé dans la boutique, il ajouta aussitôt :

« Attendez, je vais voir si je trouve là-dedans quelque chose à ma convenance. »

Il se baissa pour tirer d’un énorme tas empilé par terre de vieilles peintures poussiéreuses et ternies qui ne jouissaient évidemment d’aucune considération. Il y avait là d’anciens portraits de famille, dont on n’aurait sans doute jamais pu retrouver les descendants ; des tableaux dont la toile crevée ne permettait plus de reconnaître le sujet ; des cadres dédorés ; bref un ramassis d’antiquailles. Notre peintre ne les examinait pas moins en conscience. « Peut-être, se disait-il, dénicherai-je là quelque chose. » Il avait plus d’une fois entendu parler de trouvailles surprenantes, de chefs-d’œuvre découverts parmi le fatras des regrattiers.

En voyant où il fourrait le nez, le marchand cessa de l’importuner et, retrouvant son importance, reprit près de la porte sa faction habituelle.