Page:Gogol - Nouvelles de Pétersbourg (extraits Le Portrait ; Le Nez), 1998.djvu/42

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« Tant pis ! se dit Tchartkov. Puisqu’elles ne veulent pas être dissuadées, Psyché passera pour ce qu’elles désirent. »

« Ayez la bonté de vous asseoir un moment, proféra-t-il ; j’ai quelques retouches à faire.

– Ah, je crains que vous… Elle est si ressemblante ! »

Comprenant que leur appréhension avait surtout trait aux tons jaunes, le peintre s’empressa de rassurer ces dames : il voulait seulement souligner le brillant et l’expression des yeux. En réalité, il éprouvait une honte extrême et, de peur qu’on ne lui reprochât son impudence, il tenait à pousser la ressemblance aussi loin que possible. Bientôt en effet le visage de Psyché prit de plus en plus nettement les traits de la pâle jeune fille.

« Assez ! » dit la mère redoutant que la ressemblance ne devînt trop parfaite.

Un sourire, de l’argent, des compliments, une poignée de main fort cordiale, une invitation à dîner, bref mille récompenses flatteuses payèrent le peintre de ses peines.

Le portrait fit sensation. La dame le montra à ses amies : toutes admirèrent – non sans qu’une légère rougeur leur montât au visage – l’art avec lequel le peintre avait su à la fois garder la ressemblance et mettre en valeur la beauté du modèle. Et Tchartkov fut soudain assailli de commandes ; toute la ville semblait vouloir se faire portraiturer par lui ; on sonnait à chaque instant à sa porte. Évidemment la diversité de toutes ces figures pouvait lui permettre d’acquérir une pratique extraordinaire. Par malheur, c’étaient des gens difficiles