Page:Gogol - Nouvelles de Pétersbourg (extraits Le Portrait ; Le Nez), 1998.djvu/79

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tableau de leur église. Mais l’humble moine déclara tout franc qu’ayant profané son pinceau, il était pour l’instant indigne d’y toucher ; avant d’entreprendre une telle œuvre il devait purifier son âme par le travail et les mortifications. On ne voulut point le contraindre. Bien qu’il s’ingéniât à augmenter les rigueurs de la règle, elle finit par lui paraître trop facile. Avec l’autorisation du supérieur, il se retira dans un lieu solitaire et s’y bâtit une cahute avec des branches d’arbres. Là, se nourrissant uniquement de racines crues, il transportait des pierres d’un endroit à l’autre ou demeurait en prières de l’aurore au coucher du soleil, immobile et les bras levés au ciel. Bref il recherchait les pratiques les plus dures, les austérités extraordinaires dont on ne trouve guère d’exemples que dans la vie des saints. Et durant plusieurs années il macéra de la sorte son corps tout en le fortifiant par la prière. Un jour enfin il revint au monastère et dit d’un ton ferme au supérieur : « Me voici prêt : s’il plaît à Dieu, je mènerai mon œuvre à bien. »

» Il choisit pour sujet la Nativité de Notre-Seigneur. Il s’enferma de longs mois dans sa cellule, ne prenant qu’une grossière nourriture, œuvrant et priant sans cesse. Au bout d’un an le tableau était terminé. Et c’était vraiment un miracle du pinceau. Encore que ni les moines ni le supérieur ne fussent grands connaisseurs en peinture, l’extraordinaire sainteté des personnages les stupéfia. La douceur, la résignation surnaturelles empreintes sur le visage de la sainte Vierge penchée sur son divin Fils ; la sublime raison qui