Page:Gogol - Nouvelles de Pétersbourg (extraits Le Portrait ; Le Nez), 1998.djvu/89

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– Il ne manquait plus que cela ! Crois-tu, par hasard, que je vais garder ici un nez coupé ? Espèce de vieux croûton ! tu ne sais plus que repasser ton rasoir ! Tu ne seras bientôt plus capable de raser les gens comme il faut ! Ah ! le maudit coureur, ah ! la brute, ah ! le malappris ! Et il faudrait encore que je réponde pour lui à la police ! Emporte-le tout de suite, saligaud ! Emporte-le où tu voudras, et que je n’en entende plus parler ! »

Ivan Yakovlévitch demeurait pétrifié de surprise. Il avait beau réfléchir, il ne savait que penser.

« Comment diantre cela est-il arrivé ? proféra-t-il enfin en se grattant derrière l’oreille. Étais-je plein quand je suis rentré hier soir ? Je ne m’en souviens plus… Et puis, vraiment, l’aventure tient de l’invraisemblable… Qu’est-ce que ce nez est venu faire dans ce pain ? Non, je n’y comprends goutte ! »

Ivan Yakovlévitch se tut. À la pensée que les gens de police pourraient le trouver en possession de ce nez et l’accuser d’un crime, il perdit définitivement ses esprits. Il crut voir apparaître une épée, un collet rouge vif brodé d’argent…, et se prit à trembler de tout le corps. Enfin, il enfila son pantalon et ses bottes, enveloppa le nez dans un chiffon et se précipita dehors, accompagné des imprécations de Prascovie Ossipovna.

Il avait l’intention de jeter son paquet dans un trou de borne sous quelque portail, ou de le laisser choir comme par hasard au coin d’une venelle. Par malheur, il se heurtait sans cesse à des personnes