Page:Goldsmith - Le Vicaire.djvu/105

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car il a parfois l’air du gentleman le plus accompli que j’aie jamais vu. Dis-moi, Sophie, t’a-t-il toujours donné, mon enfant, de secrètes preuves de son attachement ? — Sa conversation avec moi a toujours été sage, réservée, agréable : toute autre chose !… oh ! jamais. Une seule fois pourtant, il m’en souvient, je lui ai entendu dire que jamais, à sa connaissance, une femme n’avait pu trouver de mérite à un homme qui a l’air pauvre. — Pauvres diables ou fainéants, ma chère, tous ont le même refrain. Mais on t’a, j’espère, habituée à les prendre pour ce qu’ils valent, à sentir combien c’est folie d’attendre son bonheur de qui a si mal gouverné ses propres affaires. Ta mère et moi, nous avons en ce moment, pour toi, de meilleures vues. L’hiver prochain, que tu passeras en ville, te mettra à même de faire un choix plus sage. »

Ce que furent, en cet instant, les réflexions de Sophie, je n’ai pas la prétention de le dire ; mais, au fond, je n’étais pas fâché de nous voir débarrassés d’un hôte qui m’inquiétait fort. J’avais bien un peu sur la conscience l’hospitalité méconnue : mais ce censeur, je l’eus bientôt fait taire par deux ou trois raisons spécieuses dont je me payai et qui me réconcilièrent avec moi-même. Les reproches de la conscience à qui a mal fait ne durent guère. La conscience est une poltronne, et les fautes qu’elle n’a pas eu la force de prévenir, elle a bien rarement la justice de les condamner.